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    Femmes, hommes, inégalités...

    C'est une anthropologue française et elle était invitée ce matin, à la fin de l'émission Le 7/9 du samedi sur France Inter.
    Françoise Héritier publie ces jours-ci "Une pensée en mouvement", édité chez Odile Jacob.

    Article du Point
    Françoise Héritier repense les sexes
    Interview. La plus célèbre disciple de Lévi-Strauss expose l'oeuvre de sa vie dans « Une pensée en mouvement » (Odile Jacob).
    Propos recueillis par Emilie Lanez

    Le Point : Les techniques de procréation médicalement assistée sont récentes et vertigineuses. Or vous dites qu'en matière de lutte contre la stérilité tout a déjà été imaginé par les hommes. Nous n'inventons rien ?

    Françoise Héritier : Tout, en effet, absolument tout, a été pensé avant nous. On trouve des exemples de mères porteuses, d'engendrement post mortem, d'enfants dans un couple de femmes, dans diverses sociétés : il s'agit non de techniques mais d'institutions sociales. Si l'on ne pouvait transférer un embryon congelé, on pouvait promettre un enfant à naître, donner un enfant déjà né. A Rome, le chef de famille pouvait prêter l'utérus de sa femme à un ami dont la femme était stérile. Nos problèmes ne sont pas spécifiques à notre époque. Ils sont ceux de tous temps, et des solutions ont toujours été inventées pour pallier la stérilité.

    Si tout a déjà été imaginé, pourquoi la bioéthique suscite-t-elle tant de débat ?

    Je suis sidérée par le fait que l'humanité a tout pensé, tout imaginé, et que tout ce qui est possible et intellectuellement pensable peut devenir réalisable lorsque cela devient émotionnellement concevable. Nous avons toujours les mêmes désirs, avoir une descendance, ne pas mourir. Seulement, nous jouons à nous faire peur et à nous croire les plus forts parce que nous serions les premiers à nous poser ces questions et à tenter de les résoudre.

    Pourquoi êtes-vous favorable à l'homoparentalité ? N'est-ce pas un cumul d'identique, alors que la différence des sexes est, d'après vos travaux, à ce point structurante ?

    Au-delà de l'identité morphologique, il y a les différences de comportement, ces deux hommes ou ces deux femmes n'élèveront pas leur enfant de la même manière. Et comme l'enfant aura été conçu avec un apport de l'autre sexe, l'altérité n'est pas gommée.

    Vous avez complété la théorie de la parenté de Claude Lévi-Strauss en démontrant pourquoi, dans les systèmes d'alliance et de parenté, les femmes ont toujours été dévalorisées.

    La théorie de Lévi-Strauss repose sur quatre piliers. La prohibition de l'inceste, qui entraîne l'exogamie, deuxième pilier, l'obligation de se marier à l'extérieur. Cette union entre deux groupes, il convient de la rendre officielle et durable : c'est ce qu'on appelle le mariage, troisième pilier de la société. Enfin, Lévi-Strauss observe qu'afin de rendre stable la relation entre l'homme et la femme, partenaires de cette union, il faut les rendre dépendants l'un de l'autre en leur donnant des activités différentes. C'est la division sexuelle des tâches, le quatrième pilier.

    Et il manque une explication : pourquoi est-ce toujours les hommes qui échangent des femmes et jamais le contraire ?

    Oui, j'apporte la nouveauté suivante : pour s'interdire l'accès à leurs filles et à leurs soeurs et pouvoir les échanger avec d'autres hommes, il fallait déjà que soit établi un système cognitif qui donnait aux hommes le droit de disposer de leurs filles et soeurs, et que cette conviction soit partagée par les deux sexes. C'est le point fondamental à mes yeux qui explique les autres piliers du social.

    Le matriarcat n'a jamais existé ?

    Cela n'existe pas et n'a jamais existé. J'ajoute aux quatre piliers de Lévi-Strauss l'existence cognitive de la valence différentielle des sexes. Elle est présente dès les origines de l'humanité, en même temps que se mettait en place l'appareil social, fondé sur l'échange matrimonial, sur lequel nous vivons toujours.

    De tout temps, les humains ont pensé selon le même mode de raisonnement. Le mode binaire. Expliquez-nous cela.

    Les modes langagiers de toutes les sociétés du monde fonctionnent selon des oppositions binaires, c'est-à-dire qui disposent les catégories deux à deux, chaud et froid, sec et humide... Cette opposition-là (même/différent) est sans doute la première pour l'humanité. Du temps de la préhistoire (paléolithique), celle-ci observe des régularités sur lesquelles elle n'avait pas de prise. Ces constantes sont des butoirs de la pensée parce qu'on ne peut pas les décomposer en catégories plus fines. L'homme des temps originels observe le cosmos, ses congénères du vivant, les espèces animales en utilisant ses cinq sens. Une constante parcourt l'Univers : il y a du mâle et du femelle. Une autre constante est l'alternance du jour et de la nuit. Masculin/féminin, jour/nuit sont les deux constantes qui ont servi à construire cet outil cognitif fondamental qui est l'opposition du même et du différent, sur lequel se fondent toutes les catégories binaires qui nous servent à penser. L'étonnement est que ces doublets ont deux faces, l'une masculine, l'autre féminine, selon l'entendement ordinaire. Ainsi les hommes sont-ils considérés comme chauds et secs et les femmes comme froides et humides. Ce n'est pas une question de nature, mais une construction mentale qui a été faite à partir d'observations.

    Pourquoi les femmes sont-elles froides ?

    Parce qu'on a observé, très tôt sans doute, que la chaleur disparaît lorsque le corps est saigné à blanc. Un rapport fut établi en esprit entre la vie, la chaleur, le sang et la mobilité. Les femmes perdant du sang, il s'ensuit qu'elles sont considérées comme moins chaudes que les hommes.

    Il y a du même et du contraire, et on ne mélange pas du même avec du même. C'est ainsi ?

    C'est plus compliqué. L'homme organise son lien avec le cosmos selon un système fondé sur la « sympathie » : attirance versus répulsion. Ainsi, on se sert parfois du sang menstruel, pourtant mal famé, pour guérir certaines pathologies considérées comme des humeurs froides, telles les écrouelles. Le froid sur le froid peut, selon les sociétés, aussi bien guérir que rendre malade. Ainsi, on ne fera pas le sacrifice de puberté de jeunes filles en pays samo lorsqu'il pleut, parce que cela serait mettre de l'humide (pluie) sur de l'humide (sang), ce qui pourrait entraîner chez elles des hémorragies.

    Et aujourd'hui encore, il ne faut pas avoir de relation sexuelle sur le sol de la brousse, car cela équivaudrait à du chaud sur du chaud.

    C'est vrai dans certaines régions d'Afrique. L'idée de la sympathie entre le cosmos est aussi à l'oeuvre chez nous, même si elle est masquée. Ainsi, dans ma jeunesse, on disait aux femmes ayant leurs règles de ne pas se baigner. Pour quelle raison implicite ? Cela serait un cumul d'identique qui conduirait à la stérilité.

    Vous avez toujours combattu l'« illusion naturaliste » qui nous conduit à croire que l'homme est naturellement supérieur à la femme. Cette « domination archaïque masculine », vous la retrouvez encore dans nos manuels de biologie ?

    C'est en effet édifiant. On y dit que l'ovule inerte, lourd, attend le spermatozoïde, vif et agile. On représente la chose en termes de genre. L'ovule féminin est passif, doux et tranquille, tandis que le spermatozoïde est actif, entreprenant. Alors que l'ovule fait sa part du chemin. Lorsqu'on dit aux enfants aujourd'hui que papa met une petite graine dans le ventre de maman, on reproduit le récit du « modèle archaïque dominant » : le principe vital, la forme humaine et le reste viennent de la graine, c'est-à-dire du sperme masculin ; le corps féminin s'entend alors comme matière ou réceptacle.

    Expliquez-nous ce que sont les butoirs de la pensée, soit les frontières ultimes au-delà desquelles nous ne pouvons penser.

    Ce sont ces unités conceptuelles qu'on ne peut diviser, qu'il faut prendre telles quelles. Dans le domaine qui nous occupe ici, quelques-uns entrent en interaction et ont posé problème aux humains de tous les temps : le fait qu'il y ait deux sexes dans le régime du vivant, la mort inéluctable, l'amalgame vie/chaleur/mobilité/sang ; l'antériorité des aînés et des parents sur les enfants et les cadets. On ne peut remonter le cours de la rivière. Cette précédence des parents et des aînés induit un schéma cognitif qui veut que « antérieur » équivaille à « supérieur ». La protection parentale des aînés devient une relation d'autorité et de dépendance. C'est sur cette intuition intellectuelle universelle que j'ai bâti le concept de « valence différentielle des sexes et des générations » ; car le rapport homme/femme est venu se greffer là-dessus et peut se lire comme un rapport d'aîné à cadet, de supérieur à inférieur.

    Comment a-t-on fait glisser la relation homme/femme vers le modèle supérieur/inférieur ?

    Par l'intervention d'un autre butoir : les femmes mettent au monde les enfants des deux sexes, avec cette incongruité exorbitante et incompréhensible qu'une forme non seulement se reproduise à l'identique mais aussi puisse enfanter un corps différent d'elle. Les femmes font des fils, ce que les hommes ne font pas. C'est un scandale et un mystère. Aux temps originels, la réponse a été de dire que le corps féminin ne disposait pas de pouvoir particulier, mais que les enfants provenaient soit d'ancêtres ou de dieux, soit surtout de la semence masculine directement. Les femmes ne sont plus que le matériau ou le réceptacle de la vie, transmise par le sperme de l'homme. Les femmes ont été assignées à un destin et les hommes se les sont appropriées entre eux

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